BN

octobre 2025 — Des biscuits à la bibliothèque
Un feuillet des Vraimanences ouvert et en gros plan.

À l’époque où j’avais une assistante, un de ses rituels favoris était de pourvoir régulièrement le studio en chocolats, bonbons et autres cochonneries, notamment des biscuits « Mini BN » qui ont fini par lui valoir le surnom affectueux de « Cacole BN » qui lui colle encore à ce jour. Récemment, un, ou plutôt une BN m’a rappelé au souvenir de cette période calorique de ma vie qui n’a rien à avoir avec ce qui suit.

Un matin, je vois entrer dans ma boîte de réception un courriel portant le nom de domaine admin.ch qui est celui réservé aux autorités fédérales suisses. En général, ce domaine présage d’une information officielle et donc plutôt sérieuse. Après une demi-seconde de crispation, j’ouvre la missive et je découvre un message émanant de la BN, soit la Bibliothèque Nationale suisse. À ne pas confondre avec la BNS, Banque Nationale Suisse dont une missive aurait été encore moins probable.

Le message m’était adressé personnellement par un charmant monsieur travaillant au service des acquisitions. Dans la première moitié, il venait aux nouvelles du contingent de numéros ISBN (International Standard Book Number) que j’avais acquis fin 2023 auprès de l’agence suisse et pour lequel je n’avais pas encore déposé d’exemplaires publiés, comme le demande le dépôt légal obligatoire1.

La seconde partie de son message fut plus surprenante, car elle contenait une liste de publications qui ne portaient pas de numéro ISBN et que ce monsieur m’a dit avoir trouvé en ligne. En lisant: « Afin d’envisager la possibilité d’un achat des publications ci-dessus… », je décidai de composer son numéro afin de comprendre ce que cela voulait dire. Il me répondit directement et après des présentations très cordiales, il m’a expliqué son rôle auprès de la BN et il m’a répété les raisons de sa prise de contact. J’ai su lui expliquer sans trop de gêne la lenteur de mon processus d’édition et je me suis engagé à respecter le dépôt légal avec la rigueur qu’il semble demander. Notre échange m’a fait comprendre la raison d’être de ces dépôts et également le rôle que joue la BN. Celui-ci était déjà très bien résumé dans l’email reçu:

En déposant vos publications, vous êtes assuré de leur conservation pour les générations futures dans la plus vaste collection de documents ayant un lien avec la Suisse.

Me voilà en passe d’être conservé, ce qui n’a pas été le cas de tous les BN rencontrés jusqu’à maintenant…

Quant à cette liste de publications qui ne portent pas de numéro ISBN et dont, pour certains, j’avais oublié l’existence, j’ai voulu comprendre pourquoi ce monsieur me demandait autant de détails à leur sujet. La réponse fut en accord avec ce qui précède à savoir qu’une des activités de ce spécialiste est de rechercher tout ce qui a été produit par des citoyens suisses ou tout ce qui concerne la Suisse afin de l’acquérir et de le préserver dans les collections de la bibliothèque.

C’est ainsi qu’il a exprimé le souhait d’acquérir un exemplaire des Vraimanences qui, au moment où j’écris, est en passe d’être référencé dans le catalogue Helveticat. Les publications uniques ou à tirages très limités comme this. is ridiculous ou this. is 5% de l’orchestre (10 exemplaires chacun) ne semblait pas entrer dans ses conditions d’acquisition. Néanmoins, très aimablement, il m’a dit qu’il allait en parler au Cabinet des Estampes qui pourrait être intéressé.

Motivé par ce contact, j’ai soumis au dépôt légal un exemplaire (le dernier) de la Loi du Voyage ainsi que this. is Hong Gone. Ce sont mes toutes premières publications portant un numéro ISBN. Il me reste encore à comprendre comment référencer ces ouvrages dans la base européenne Electre, probablement en passant par leur service Les Petits Éditeurs. Ceci permettrait aux références d’être disponibles aux librairies francophones et être ainsi potentiellement acquises pour la vente. Tout ceci me paraît encore assez nébuleux, mais cela ne me semble pas insurmontable et la curiosité me pousse à continuer l’exploration.

Les BN qui ont ponctué ces dernières semaines m’indiquent que mes petites éditions ORDREPANIQUE viennent peut-être de sortir de leur statut de hobby expérimental pour continuer sur le chemin, non pas de la croissance, mais d’un partage plus étendu. Je souris à l’idée que mes histoires de moustiques soient désormais préservées par notre bibliothèque nationale. Moi qui me conforte parfois à rester dans l’ombre de mes passions, vois une forme de reconnaissance qui me motive à en sortir. L’ORDRE de la confédération est venu semer un peu plus de PANIQUE dans mon quotidien; ma petite entreprise n’a jamais aussi bien porté son nom.

ORDREPANIQUE est titulaire d’un contingent de cent numéros ISBN. Les troisième, quatrième et cinquième sont actuellement en chantier. Je voudrais un jour relire ces lignes et me rappeler ce moment qui a un peu le goût d’un paquet de BN fraîchement ouvert.


  1. En Suisse, le dépôt légal est défini et réglementé principalement au niveau cantonal, mais il est coordonné par la Bibliothèque nationale suisse (BN) sous la compétence de l’Office fédéral de la culture (OFC). Le canton de Genève a rétabli le dépôt légal en 1967, alors je vais probablement devoir également soumettre mes publications à la Bibliothèque de Genève (BG?).