dormir ailleurs
27 janvier 2018

Temps I — 2002 – 2009

« Ailleurs » est un lieu qui n’existe pas. Chaque fois que je pense y être arrivé, c’est encore ailleurs. Au fil de mes voyages pendant près de vingt années, je me suis obstiné à chercher cet ailleurs impos­sible qu’il me semble pourtant avoir photographié.

J’ai commencé à vouloir dormir ailleurs le jour où je me suis senti appar­tenir nulle-part. J’avais passé un temps consi­dé­rable dans un lit qui n’était pas le mien ; je n’y avais pas mes marques, la chambre était trop petite et un sentiment de non appar­te­nance féroce m’habitait. Mu par la résilience, la curiosité et la réminis­cence d’une enfance nomade, j’ai souhaité voyager hors de mes murs pour redéfinir l’échelle de ma vie.

Cette série s’est constituée par elle-même. Elle est née d’une habitude que j’avais prise de ne jamais revenir de voyage avec une pellicule entamée. Je terminais celles-ci sur les draps de mes lits défaits pendant les derniers instants passés dans mes chambres d’hôtel avant de partir pour la gare ou l’aéroport. Assez vite, je me suis laissé prendre au jeu de ces paysages de tissu et ceux-ci sont naturel­lement devenus le fil rouge de mes errances.

Quoi de plus commun que des draps de lit ? Au premier regard, il est difficile de voir autre chose qu’une banalité évidente. Pourtant, chacun de ces draps raconte une histoire singu­lière : celle qui m’appartient et aussi celle que le spectateur ne pourra s’empêcher de fabriquer.

Ces photo­gra­phies parlent de ce que l’on porte en soi, de notre histoire, de qui nous sommes et que l’on s’obstine parfois à chercher ailleurs.

Keeping the elephant at home while looking for its footprints in the forest…” 

— Sogyal Rinpoché

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